Elevage
commercial de gouramis,
appliqué à l'espèce Trichogaster trichopterus
Fécondité | ![]() |
![]() |
Température et lumière | ||
Production commerciale | ||
Grossissement | ||
Alimentation | ||
Qualité d'eau | ||
Pathologies | ||
Pêche | ||
Bacs de stockage | ||
Tri et conditionnement | ||
Bibliographie |
La plupart des Anabantidae producteurs d'ufs flottants sont de
bons candidats pour une aquaculture à des fins commerciales, car ils
sont généralement faciles à faire pondre, produisent une
grande quantité d'ufs et leurs alevins sont relativement aisés
à élever.
Certaines espèces naines comme les Colisa nécessitent de très
petits espaces pour pondre et leur reproduction est possible dans des volumes
de l'ordre de 5 litres. La majorité de ces Anabantidae offre donc
la possibilité de produire une grande quantité de poissons à
bas prix. L'exception est constituée par les macropodes qui produisent
moins de jeunes, en outre plus difficiles à élever.
Trichogaster trichopterus atteint une taille maximum de 15-20 cm mais la maturité sexuelle est acquise à 7cm, soit un age de 12 à 14 semaines. C'est une espèce qui fabrique des nids de bulles et pond une grande quantité d'ufs flottants. Les soins sont prodigués par le père.
Différents rapports de fécondité
sur Trichogaster trichopterus évoquent des quantités comprises
entre 300 et 4000 ufs (Richter 88). Si en pratique on observe ~1 millier
d'ufs / ponte, les éleveurs intensifs utilisent une moyenne plus
basse, environ 500, afin de déterminer le nombre adéquat de reproducteurs
requis.
Comme pour beaucoup d'autres poissons il y a une corrélation entre le
poids corporel des parents et la quantité de larves produites : plus
les poissons sont lourds, plus il y aura des larves !
Mais aucune corrélation n'a été montrée entre le
poids des parents et la taille du nid de bulles...
Par contre, il y a une tout de même une relation entre la taille du nid
et la quantité d'ufs pondus : un petit nid construit par un male
inexpérimenté (ou pas en condition de ponte) affecte ainsi le
nombre d'ufs que la femelle va déposer.
En l'absence de males, les femelles peuvent spontanément relâcher des ufs trop murs pour être fécondés mais en leur présence, elles sont capables de s'accoupler et de pondre 24h après une précédente ponte !
Les fermes commerciales conditionnent et reproduisent les gouramis toutes les 2 à 6 semaines, en fonction de l'espèce.
Dans la nature, les 2 principaux facteurs influençant la reproduction sont la température et la photopériode (longueur du jour), avec des variations saisonnières limitées.
La construction des nids et les ufs sont lâchés
à des températures comprises entre 23 et 29°C, si bien qu'autant
optimum n'a été trouvé dans cette échelle de valeur.
Cette échelle est aussi l'optimum thermique pour conditionner les stocks
de reproducteurs.
Le conditionnement des reproducteurs et la ponte
sont impossibles à 20°, et des températures de 18° ou
moins peuvent être létales.
Degani pense que la réduction de l'intensité lumineuse par une
plantation densifiée a un effet positif sur la construction des nids.
A l'obscurité, les pontes démarrent dès le premier jour
et restent constantes et importantes dans le temps ; tandis qu'à la lumière,
la quantité de pontes décroît très rapidement. Au
final, plus de pontes sont ainsi effectuées dans l'obscurité.
Pour une production de masse de Trichogaster trichopterus, différentes étapes doivent d'abord être suivies dans le but de synchroniser les pontes pour avoir un grand nombre d'alevins du même age.
Etape 1 : sexage : le stock de reproducteurs est sélectionné par rapport à la taille, la couleur et le développement apparent des ufs chez les femelles (basé sur leur embonpoint).
Etape 2 : conditionnement des géniteurs
:
les stocks de géniteurs males et femelles sont placés dans des
bassins séparés à raison de 1 poisson/10 litres avec un
taux de renouvellement d'eau journalier de 10% afin d'assurer une qualité
d'eau adéquate. Ils sont nourris au moins 3x/jr avec une alimentation
de haute qualité, à satiété, en faisant attention
de retirer du bac les aliments non ingérés. Il est conseillé
de distribuer une alimentation variée. L'aliment de base doit contenir
au moins 32% de protéines. En addition, des nourritures vivantes ou congelés
(tubifex, vers de vase, mélanges -cf. alimentation-) et des paillettes
de bonne qualité peuvent aussi être utiles.
Etape 3 : construction du nid :
après 2 semaines de conditionnement, les stocks de géniteurs sont
prêts à pondre. Les males sont placés dans les bacs de reproduction
durant la matinée pour qu'ils s'acclimatent et établissent un
territoire. Des bacs d'une 50aine de litres fonctionnent bien pour des Trichogaster
sp. (des bacs + ou - grands peuvent être préférés
en fonction de la taille du genre à reproduire). L'écloserie doit
être mal éclairée avec "un trafic" minimum pour
éviter de perturber les couples. Généralement, les males
commencent la construction des nids de bulles dans les 2 à 3 premières
heures. Avec Trichogaster, il est nécessaire d'ajouter un substrat
flottant pour faciliter et stimuler la construction du nid de bulles, comme
un anneau flottant, du polystyrène ou des plantes flottantes. Dans le
cas contraire, les bacs de ponte doivent être nus et sans le moindre système
d'aération qui entraverait la construction des nids. Les femelles sont
ensuite placées dans les bacs de reproduction le même jour entre
15 et 17h00.
Etape 4 : ponte :
la ponte survient dans une période comprise entre 1 et 4 jours. Il est
parfois difficile de distinguer les ufs du nid lui-même. Ils ont
une taille similaire aux bulles, mais possèdent une coloration plus dorée
ou brune. Après la ponte, il est conseillé de retirer la femelle
afin d'éviter qu'elle soit blessée par les agressions du male.
Le male prend ensuite soin du nid et des alevins dès qu'ils éclosent.
Etape 5 : éclosion - résorption
du vitellus :
l'éclosion des ufs a lieu en environ 24 heures à 27°C,
et ceux ci restent encore 2 à 3 jours dans le nid jusqu'à ce que
le sac vitellin soit résorbé. Les alevins atteignent la nage libre
4 à 5 jours après la ponte et mesurent alors 5 à 6 mm de
long. Quand ils montrent un changement distinctif dans leur comportement de
nage à travers la colonne d'eau, ils sont prêts à être
activement nourris.
Etape 6 : transfert des alevins en bac de grossissement
:
à ce stade de développement, les alevins sont très sensibles
et doivent être manipulés avec les plus grands soins. Les transferts
d'alevins doivent avoir lieu le matin pour diminuer les chocs photiques et de
qualité d'eau (pH et température). L'eau du bac d'alevinage est
siphonnée doucement à l'aide d'un tuyau protégé
par un tamis de 100 microns jusqu'à ce qu'il reste 2 à 4 cm d'eau
dans le bac où sont concentrées les larves. Le bac entier est
alors transporté (attention de ne pas renverser d'eau !) dans le bac
de grossissement, où de petites quantités d'eau sont ajoutées
jusqu'à ce que les qualités d'eaux soient homogénéisées.
Etape 7 : démarrage des alevins :
dès que les alevins sont prêts à manger, il est important
de leur fournir des infusoires, rotifères ou petites daphnies. Le graphique
ci-dessous montre les transitions alimentaires typiquement pratiquées
lors du développement des larves de gouramis.
Généralement, les larves sont transférées dans des
bassins préalablement préparés (depuis moins de 10 jours).
Ces "bacs nurseries" sont préparés par remplissage du
bac à l'eau claire et adition de fertilisant avec un ratio Azote / Phosphore
/ Potassium (= N/P/K) de 1/3/0. Ce fertilisant, généralement sous
forme liquide 10/30/0 est ajouté à raison de 1 mL / 50 L d'eau.
La concentration planctonique est ensuite vérifiée à l'aide
d'un disque de Secchi (profondeur désirée de 20-30 cm) et l'apport
de fertilisant est ajusté en conséquence.
En cas d'insuffisance du bloom planctonique, les nourritures microencapsulées
et le plancton artificiel peuvent être utilisés comme substituts.
Etape 8 : sevrage :
les alevins nouvellement stockés sont nourris à satiété
2-3x/jr avec un granulé professionnel plus des naupliis d'artémias
fraîchement écloses. A partir de J10, l'apport d'artémia
est réduit de 10%/jr jusqu'à ce que les poissons ne soient plus
exclusivement alimentés que par de l'aliment sec.
Densité (d) : historiquement, dans des eaux
douces stagnantes sans aération, on préconise en aquaculture des
densités de 0.25 poisson/L (soit 1 poisson/4L). A Hawaï, il aurait
ainsi été produit des gouramis de taille commercialisable en seulement
6 semaines ! Ceci reste toutefois exceptionnel, puisque des études ont
montré que lorsque :
d = 0.5 alevin / litre (1 alevin/2L) --> taille commercialisable atteinte
en ~12 semaines, croissance globalement uniforme,
d = 2 alevins / litre (1 alevin/0.5L) --> taille commercialisable atteinte
en 12 semaines pour les plus gros, mais grande variation de tailles dans la
population. Il faut alors compter jusqu'à 5 semaines supplémentaires
pour que les queues de lot atteignent à leur tour la taille requise.
En Asie la taille commercialisable pour des gouramis bleus Trichogaster trichopterus
est de 2 pouces, soit ~5cm.
Trichogaster trichopterus est considéré comme étant carnivore, le régime alimentaire naturel comportant notamment différentes espèces d'invertébrés. Dans un élevage intensif où les aliments naturels sont limités, un aliment complet doit être utilisé pour atteindre un grossissement optimal. Des formulations enrichies capables d'exacerber la pigmentation des poissons sont également distribuées : la cantaxanthine est la plus efficace, mélangée à l'aliment à un taux de 0.05%. Les poisons sont nourris au moins 2x/jr sur une base de 3 à 5% de poids corporel/jr. Pour une croissance optimale, le régime alimentaire reste toutefois moins important que la qualité d'eau (Degani & al. 1990) !
Exemples de formules d'aliments :
formule fraîche :
|
formule à cuire :
|
Ces deux formules ont une composante primordiale en commun : leur richesse en protéine. Leur composition peut être ajustée ou modifiée en fonction des besoins. Tout comme la cantaxanthine, la spiruline est ainsi parfois ajoutée, à raison de 0.5 à 1.0% du poids total.
Sur ce point, les Trichogaster sp. sont considérés
comme étant des espèces robustes, avec un fort pouvoir d'adaptation.
Ils sont en effet trouvés dans des eaux dont les paramètres peuvent
être très variables ! Ainsi, des pH de 5.8 à 7.4, conductivité
de 22 à 718 µS, dureté totale de 1.3 à 185 mg CaCO3/L,
etc. ! ! !
Toutefois, pour l'élevage intensif des Trichogaster, les paramètres
optimaux sont :
Température : | 23 à 29°C |
Dureté totale : | 50 à 100 mg CaCO3/L |
Salinité : | 0 |
pH : | 6.8 à 8 |
Nitrites : | < 0.5 mg/L |
Nitrates : | < 0.5 mg/L |
Ammonium : | < 1.0 mg/L |
Oxygène dissous : | > 2.0 mg/L |
Phytoplancton : | 20 à 30 cm de profondeur au disque de Secchi |
Chaque semaine, des échantillons de poissons
sont prélevés dans les bassins d'élevage, et leur état
sanitaire est contrôlé. Des prélèvements de nageoires
et de branchies sont ainsi examinés au microscope. Si les échantillons
sont infectés, les bassins dont sont issus les poissons sont traités.
Les trois principaux problèmes rencontrés sont les protozoaires
Trichodina, les monogènes Dactylogyrus et Gyrodactylus,
et enfin les mycoses Saprolegnia.
Les traitements généralement pratiqués sont à base
de formaline (= formol à 35-40%) :
Trichodina : formaline à 25mg/L ajoutée à l'eau
du bassin (bain continu !)
Monogenea : formaline à 250mg/L en bain d'1 heure
ou chlorure de sodium (sel non iodé) à 25-35g/L (suivant la tolérance
de l'espèce)
Saprolegnia : formaline à 250mg/L en bain d'1 heure pendant 5
jours.
Un mois avant chaque pêche, les bassins extérieurs
sont inspectés et traités contre les algues et mauvaises herbes
si besoin (ce problème est occulté lors d'un élevage en
aquarium !).
Une semaine avant la pêche, des poissons sont échantillonnés
et inspectés afin de contrôler la présence de parasites
ou d'attaques bactériennes. Si besoin, les poissons sont traités,
puis de nouveau échantillonnés avant la pêche, afin de s'assurer
de leur bon état sanitaire.
Ces deux étapes permettent de pratiquer une pêche plus en douceur
et de diminuer les mortalités.
La pêche s'effectue à l'aide d'une seine en nylon avec des mailles
sans nuds (pour diminuer les blessures) de 0.3cm. Ce filet doit avoir
une longueur d'environ 2.5 fois la largeur du bassin, et une hauteur équivalente
à 2 fois celle du bassin.
Pendant la pêche, on prend soin de ne pas entasser les poissons. Les débris
récoltés avec les poissons sont retirés.
Les poissons sont ensuite placés dans des
bacs de stockage où l'eau est aérée et brassée.
Les débris restant, animaux morts ou blessés sont retirés
des bacs. L'eau est ensuite salée à 9 (solution isotonique)
pour aider à réduire le stress et les blessures de la pêche,
en stimulant le poisson a produire naturellement du mucus.
Les poissons sont stockés dans ces bacs jusqu'à leur tri, et jeûnent
avant leur emballage et transport.
Les poissons sont pêchés dans les bacs
de stockage puis anesthésiés au "célèbre"
MS222,
Ils sont ensuite placés sur une table de tri où ils glissent et
sont séparés en fonction de leurs couleur et sexe, puis, à
l'aide de trous calibrés ils sont envoyés dans des bassines oxygénées
(les plus petits passent dans les trous alors que les plus gros restent sur
la table). La dépigmentation et les malformations sont les deux principaux
facteurs de rejet des animaux.
Les poissons sont ensuite conditionnés en lots de 150 individus (+ 5%
pour occulter les erreurs de comptage et mortalités éventuelles),
emballés et expédiés partout dans le monde...
Cole, 1999. Manual for commercial production of
Trichogaster trichopterus.
Degani, 1989. The effect of temperature, light, fish size and container size
on breedind of Trichogaster trichopterus.
Degani, 1990. Effect of of different diets and water quality on the growth of
the larvae of Trichogaster trichopterus.
Pollack, 1981. Multiple matings in the blue gourami Trichogaster trichopterus.
cet article a été publié dans le hors série n°5 de la revue LE MACROPODE : Le genre Trichogaster, novembre 2003, jeff dubosc - www.allfishes.net -